Le Roi Deyfa, souverain incontesté du grand Royaume de Linvi, revenu d'un long voyage à l'étranger décida un jour d'appliquer certaines méthodes de gouvernement originales et amusantes qu'il avait put observer au cours de son lointain séjour de découvertes d'autres nations.
Afin de faire profiter tout son peuple de ses nouvelles connaissances, sa Majesté Deyfa, en homme sage et avisé qu'il était, décida de nommer une centaine de ses courtisans les plus serviles comme membres d'un parlement destiné à légiférer sur les impôts, les taxes, les textes divers appropriés aux situations qui pourraient survenir, et toutes choses de gouvernance nécéssaire au bon fonctionnement du pays.
Dans un souci d'équité et de modernité il décida aussi de nommer quarante d'entre eux comme représentant le Parti d'Opposition à la Politique Royale. Il expliqua alors très précisement, à son Grand Conseiller Bastien, que ce groupe d'opposition avait le devoir de critiquer et de s'opposer à toutes les mesures gouvernementales présentées au Parlement.
Afin d'être certain d'avoir était bien compris par tous, il fit présenter au Parlement, un Décret Royal anodin, concernant une interdiction de séjour sur le sol de Linvi, pour les souris, rats, surmulots et autres animaux apparentés. Le décret fut immédiatement approuvé par les cent parlementaires.
Fortement contrarié, le Roi Deyfa se vit obligé d'utiliser son droit de véto pour bloquer le décret. Ensuite il se présenta fort courroucé devant les parlementaires de l'Opposition, et leur déclara, sans ambage, que s'ils continuaient dans cette attitude contre-nature, ils répondraient de leur insolence sur leurs têtes !
Aussitôt, les quarante, sortir leurs dagues protocolaires et se tranchèrent la gorge mutuellement.
"Que pouvons nous faire maintenant ?" demanda, perplexe, le Roi. "Des institutions démocratiques, comme je l'ai observé par moi-même à l'étranger, ne peuvent être maintenues sans un Parti d'Opposition !"
"Splendeur de l'Univers, Sagesse incarnée, Souverain du Ciel et de la Terre," répondit le Grand Conseiller Bastien, "il est certain que ces fils de larves des marécages putrides, ont désertés leur poste avec une désinvolture rare, mais rien n'est perdu. Accordez l'immense honneur à votre indigne ver de terre, de régler cette importante question."
Le Roi accorda. Alors le Grand Conseiller fit déterrer puis embaumer et rembourrer de paille l'ensemble des membres du Parti de l'Opposition, qu'il fit ramener ensuite au Parlement où on les cloua sur leurs sièges officiels.
Dès lors, sous la surveillance aiguisée du Grand Conseiller Bastien, contre chaque décision gouvernementale, quarantes votes, ni plus, ni moins, étaient recueillis. Le Roi s'en trouva fort satisfait, et le Royaume de Linvi prospéra.
Mais un jour, hélas, un décret imposant une taxe sur les verrues plantaires fut, à la surprise de tous, repoussé. Des membres du Parti Gouvernemental, ayant négligement oubliés leurs obligations citoyennes en partant à la pêche, avait entraînés l'inversion des forces parlementaires et donnés la victoire à l'Opposition.
Lorsqu'il sut cela, le Roi Deyfa entra dans une telle rage que le Grand Conseiller Bastien fut mis à mort par empalement, et le Parlement dissous à l'aide des sabres très aiguisés de la Garde d'Elite Royale.
C'est ainsi que le Roi Deyfa dut, la mort dans l'âme, abandonner son beau projet de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, au Royaume de Linvi.
Librement inspiré du Dictionnaire du Diable d'Ambrose Bierce.
Mer 25 Nov - 14:22